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Amours
(Extrait de "Paroles",
Jacques Prévert) |
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Sables mouvants
Démons et merveilles
Vents et marées
Au loin déjà
la mer s'est retirée
Démons et merveilles
Vents et marées
Et toi
Comme une algue doucement
carressée par le vent
Dans les sables du lit tu
remues en rêvant
Démons et merveilles
Vents et marées
Au loin déjà
la mer s'est retirée
Mais dans tes yeux entrouverts
Deux petites vagues sont restées
Démons et merveilles
Vents et marées
Deux petites vagues pour me
noyer.
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Immense et Rouge
Immense et rouge
Au-dessus du Grand Palais
Le soleil d'hiver apparaît
Et disparaît
Comme lui mon coeur va disparaître
Et tout mon sang va s'en aller
S'en aller à ta recherche
Mon amour
Ma beauté
Et te trouver
Là où tu es. |
Le jardin
Des milliers et des milliers
d'années
Ne sauraient suffire
Pour dire
La petite seconde d'éternité
Où tu m'as embrassé
Où je t'ai embrassèe
Un matin dans la lumière
de l'hiver
Au parc Montsouris à
Paris
A Paris
Sur la terre
La terre qui est un astre.
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Chanson
Quel jour sommes-nous
Nous sommes tous les jours
Mon amie
Nous sommes toute la vie
Mon amour
Nous nous aimons et nous vivons
Nous vivons et nous nous aimons
Et nous ne savons pas ce que
c'est que la vie
Et nous ne savons pas ce que
c'est que le jour
Et nous ne savons pas ce que
c'est que l'amour. |
Cet Amour
Cet amour
Si violent
Si fragile
Si tendre
Si désespéré
Cet amour
Beau comme le jour
Et mauvais comme le temps
Quand le temps est mauvais
Cet amour si vrai
Cet amour si beau
Si heureux
Si joyeux
Et si dérisoire
Tremblant de peur comme un
enfant dans le noir
Et si sûr de lui
Comme un homme tranquille
au milieu de la nuit
Cet amour qui faisait peur
aux autres
Qui les faisait parler
Qui les faisait blémir
Cet amour guetté
Parce que nous le guettions
Traqué blessé
piétiné achevé nié oublié
Parce que nous l'avons traqué
blessé piétiné achevé nié oublié
Cet amour tout entier
Si vivant encore
Et tout ensoleillé
C'est le tien
C'est le mien
Celui qui a été
Cette chose toujours nouvelles
Et qui n'a pas changé
Aussi vraie qu'une plante
Aussi tremblante qu'un oiseau
Aussi chaude aussi vivante
que l'été
Nous pouvons tous les deux
Aller et revenir
Nous pouvons oublier
Et puis nous rendormir
Nous réveiller souffrir
vieillir
Nous endormir encore
Rêver à la mort
Nous éveiller sourire
et rire
Et rajeunir
Notre amour reste là
Têtu comme une bourrique
Vivant comme le désir
Cruel comme la mémoire
Bête comme les regrets
Tendre comme le souvenir
Froid comme le marbre
Beau comme le jour
Fragile comme un enfant
Il nous regarde en souriant
Et il nous parle sans rien
dire
Et moi j'écoute en
tremblant
Et je crie
Je crie pour toi
Je crie pour moi
Je te supplie
Pour toi pour moi et pour
tous ceux qui s'aiment
Et qui se sont aimés
Oui je lui crie
Pour toi pour moi et pour
tous les autres
Que je ne connais pas
Reste là
Là où tu es
Là où tu étais
autrefois
Reste là
Ne bouge pas
Ne t'en va pas
Nous qui sommes aimés
Nous t'avons oublié
Toi ne nous oublie pas
Nous n'avions que toi sur
la terre
Ne nous laisse pas devenir
froids
Beaucoup plus loin toujours
Et n'importe où
Donne-nous signe de vie
Beaucoup plus tard au coin
d'un bois
Dans la forêt de la
mémoire
Surgis soudain
Tends-nous la main
Et sauve-nous. |
Chanson du geôlier
Où vas-tu beau geôlier
Avec cette clé tachée
de sang
Je vais délivrer celle
que j'aime
S'il en est encore temps
Et que j'ai enfermée
Tendrement cruellement
Au plus secret de mon désir
Au plus profond de mon tourment
Dans les mensonges de l'avenir
Dans les bêtises des
serments
Je veux la délivrer
Je veux qu'elle soit libre
Et même de m'oublier
Et même de s'en aller
Et même de revenir
Et encore de m'aimer
Ou d'en aimer un autre
Si un autre lui plaît
Et si je reste seul
Et elle en allée
Je garderai seulement
Je garderai toujours
Dans mes deux mains en creux
Jusqu'à la fin des
jours
La douceur de ses seins modelés
par l'amour. |
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