- La corruption -

- Constat, définition -

La corruption n'est pas un phénomène économique nouveau mais si l'on en entend de plus en plus parler, c'est parce que les médias y on trouvé un nouveau sujet à polémique. En effet, les médias savent comment indigner les citoyens en leur annonçant que par exemple un homme politique a été corrompu à hauteur de 20 millions de francs.
La corruption est une sorte d'échange. L'un prend la place de l'autre un instant. C'est à dire que l'homme d'affaire prend la place de l'homme politique en influant sur la décision de l'attribution d'un nouveau marché (par exemple). Il y a une véritable inversion des rôles, d'un côté, le "fournisseur" se met à payer et de l'autre, le "client" se fait payer. L'un vend se qu'il ne devrait pas vendre et l'autre achète ce qu'il ne devrait pas acheter. C'est une relation formellement contradictoire qui met en dysfonctionnement tout processus marchand.
Le flux financier qui résulte de la corruption est une transaction secrète. Tout y est clandestin: l'argent, les pactes, les destinations effectives. Seuls les acteurs en ont connaissance évidemment, ni les concurrents, ni l'état n'en sont informés. Le fisc et les citoyens sont donc bernés. Par là même, la corruption engendre tout un monde d'ombres où les enquêteurs peuvent difficilement pénétrer. La corruption fait appel à  une mécanique incroyablement complexe pour ne faire, en réalité, que transiter des fonds entre deux personnes. À partir d'un certain niveau, il n'existe pas de corruption sans production de fausses factures, ni sans constitution de caisse noire, ni sans sociétés offshore, ni sans intermédiaire qui tourne autour de la grande criminalité, ni sans blanchiment divers. La libération presque générale des mouvements internationaux de capitaux donne à la corruption des lieux propices et des procédures discrètes. Il n'est pas étonnant de voir les flux de capitaux circuler à grande vitesse vers des contrées exotiques où siègent des sociétés offshore dont les actionnaires ne sont pas connus. Ces sociétés ont le plus souvent été créées pour des raisons fiscales ou pour les besoins de la corruption sur des marchés extérieurs. Ces sociétés sont de merveilleux instruments pour la création de caisses noires. Mais cet outil de la corruption est particulièrement dangereux car il fait se croiser une corruption banalisée et des processus de blanchiment.
Le corrupteur n'a pas le pouvoir, du moins pas le pouvoir de prendre la décision sur laquelle porte le processus de corruption. De plus, il ne dispose pas de ce second pouvoir qui consiste à monnayer la première décision, il est donc sous dépendance. Rien n'est possible pour lui dans ces deux décisions. Même si l'on admet qu'il peut influencer, aucune décision n'est de son fait. La responsabilité du corrompu est donc déduite directement du double pouvoir qu'il possède. Le corrompu, considéré comme un acteur passif, cumule de nombreux vices: il trahit et il ment car il dispose de son pouvoir à contresens du mandat qui lui a été donné, il fait chanter et il fait progresser le cycle de contagion de la corruption. Le corrompu est un être lâche, il fait souvent faire, souvent dire. Il se protège. le courage n'est pas sa première vertu.
La corruption se passe entre deux acteurs, dans un échange, où le plus actif est souvent le corrompu, et le plus passif, le corrupteur. Et si le "corrupteur" ne cède pas et refuse le chantage du corrompu,  le corrompu trouvera toujours un autre acteur prêt à céder. On pourrait désormais se poser la question: pourquoi le "corrupteur" ne dénoncerait-il pas les méthodes du corrompu ? C'est là que la corruption politique prend un tour particulier et qu'elle se distingue de toutes les autres. Si jamais le corrupteur décide de dénoncer le corrompu, étant donné que le corrompu fait parti d'un réseau (politique) où les gens fonctionnent comme lui, il se verra fermer tous les autres marchés que détiennent les amis du corrompu. De plus, généralement, le "corrupteur" n'étant pas lui même dans la "loi", il pourrait être amené à faire de la prison.
Deux phénomènes apparaissent de ce processus de corruption. D'une part, les corrupteurs se lassent de ces paiements excessifs qu'ils doivent intégrer à leur prix de revient, ils décident donc parfois de s'entendre en se répartissant les marchés: "je te laisse cette ville, mais tu me laisse tranquille dans cette autre". Il s'agit là d'éviter une guerre des prix quand on sait qu'il faudra réintégrer de commissions ou de services de corruptions dans le prix des prestations ou des produits fournis. La concurrence ne joue plus son rôle, et de ce fait, c'est le citoyen qui est lésé, car c'est lui qui, à la fin, paie la note de l'ensemble. D'autre part, le montant des commissions demandé par le corrupteur est intolérable pour les petites entreprises. Seuls les grands groupes peuvent supporter ces coûts. Ainsi, la corruption corrompt-elle tout ce qu'elle touche: le jeu de la concurrence, les élus, les opérateurs économiques et toute la loi du marché.
Face à la corruption se développent des argumentations très surprenantes de la part de certaines personnes: "les autres font pareil", "ça a toujours existé", etc ... Mais il existe certaines raisons plus "valable": les mises en examen et la publicité données aux affaires nuisent à la compétitivité des entreprises françaises; l'idée, simple et simpliste est la suivante: La France possède des entreprises performantes qui ont su adapter leurs stratégie à la compétition internationale, c'est donc une véritable guerre économique qu'il faut gagner. Chaque affaire fragilise l'entreprise. Donc il vaut mieux laisser passer quelques accidents de parcours, négligeables au regard des prouesses réalisées par nos dirigeants d'entreprise.

Selon la loi, on distingue deux sortes de corruptions:
- la corruption passive qui désigne le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public, ou investie d'un mandat électif public, de solliciter ou d'agréer, sans droit, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques soit pour accomplir un acte de son mandat facilité par sa fonction, soit pour abuser de son influence en vue de faire obtenir d'une autorité des distinctions, des marchés ou toute autre     décision favorable.

- la corruption active qui désigne le fait de proposer, sans droit, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour obtenir d'une personne dépositaire de l'autorité publique soit qu'elle accomplisse un acte de son mandat facilité par sa fonction, soit qu'elle abuse de son influence en vue de faire obtenir d'une autorité des distinctions, des marchés ou toute autre décision favorable.

D'un point de vu purement répressif, le nouveau code pénal consacre l'équivalence entre les deux corruptions, active ou passive. Dans les deux cas, la peine requise peut aller jusqu'à dix ans de prison et un million de francs (ce qui peut sembler minime à comparer à certaines sommes issues de la corruption).
Mais parfois la loi est impuissante devant certaines formes de corruption: par exemple lorsque dans la presse, les annonceurs font pression pour que des articles ne soient pas agressifs, sinon ils suppriment leur budget publicitaire. Dans la forme même, il ne s'agit pas de corruption, mais la loi est impuissante. Sur le fond, la procédure est analogue: quelque chose est payée normalement, mais l'exigence d'un service supplémentaire s'apparente à de la corruption active; le journal dispose d'un pouvoir d'écrire, de communiquer ou de faire savoir; le financeur peut infléchir les décisions. Il ne les achète pas directement: il supprime son budget quand la décision ne lui convient plus. La corruption n'est plus ce qu'elle était. Elle apparaît sous des formes différentes telles:
- le lobbying. C'est un phénomène nouveau en France, mais qui existe déjà depuis longtemps aux Etats-Unis. Le lobbying a pour but d'influencer des décideurs politiques. Dans sa version positive, il revendique l'information précise et rigoureuse sur des dossiers mal compris des politiques. Dans sa version négative, il joue de relation et de services pour influencer les décideurs dans le sens d'intérêts particuliers. Il y a toujours un flux financier qui circule, mais cette fois-ci, du corrupteur vers le "cabinet de lobbying". Ces cabinets spécialisés qui d'ailleurs se substituent de plus en plus aux syndicats professionnels.
- le financement des partis politiques. Les besoins financiers des partis politiques sont la cause et le prétexte de nombreux cas de corruption car les partis ont besoins de grosses sommes d'argent pour financer leur campagnes électorales. Evidemment en contrepartie, les généreux donateurs attendent l'attribution de nouveaux marchés. Il y a toutefois une loi qui limite la publicité des partis politiques, et qui fait paraître au journal officiel les comptes et, par là même, les sources de financement des partis politiques.

La corruption est, en plus, accentuée par le phénomène de la décentralisation de l'état qui favorise la multiplication des lieux de décision. Car les lois de décentralisation multiplient les pouvoirs, c'est à dire les centres de décision. Elles suppose donc une multiplication soudaine des corruptibles. Les centres de décision étant plus proche du citoyen, elle est également plus accessible au corrupteur qui n'éprouve plus le besoin de remonter jusqu'aux hautes instances à Paris (par exemple).
 
 

- Solutions ... -

On ne peut pas attaquer de front la corruption par de grands et agressifs discours, car la corruption est un monde d'ombres, la première urgence est donc de la mettre en pleine lumière pour dissiper les ombres. La répression est nécessaire, mais la prévention est d'une toute autre importance. Il manque un fil rouge à la lutte contre la corruption; la connaissance des mécanismes de corruption pourrait être ce fil rouge pour mieux prévenir.
La première condition d'une lutte efficace réside dans la volonté politique elle-même. Or ce n'est pas le cas en France où l'on entend un discours agressif et de l'autre on voit apparaître des mesures régressives. Il faut donc, à mon avis, que l'état s'engage une fois pour toute dans cette lutte et qu'il ne continue pas cette mascarade.
Une solution serait d'utiliser une mesure radicale: amnistie pour tout les délits sous condition de leur déclaration officielle. Cela signifie que les délits non déclarés ne seront pas amnistié et qu'il faudra prévoir de lourdes peines dans ces cas là. Cette mesure permettrait de remettre les compteurs à zéro et de mettre en lumière bien des pratiques occultes. Toutes les entreprises seraient à nouveau dans les conditions de concurrence normale et les financements à venir des partis politiques seraient sévèrement sanctionnés. Ainsi les entreprises devraient imposer une discipline forte et les élus s'y plier sous la menace. La sanction serait électorale sans être pénale. Et si la loi d'amnistie dans sa forme traditionnelle était inapplicable, on devrait concevoir au minimum que dans le cadre d'une nouvelle législation anti-corruption, les fautes passées auraient à être déclarée en garantissant aux "repentis" de limiter les peines à des amendes. Cette déclaration aurait également l'avantage de mieux faire comprendre certains mécanismes de corruption et d'accroître la capacité de la justice à intervenir dans le futur. On dira qu'il est anormal de blanchir des actes illégaux. Mais tout dépend encore une fois de l'objectif que l'on s'assigne: ou il s'agit de réprimer le passé en laissant se continuer des pratiques néfastes, ou il s'agit de prévenir la corruption.
Un autre point que j'aimerai développer, à propos de la corruption entre entreprises privées qui est une véritable corruption à part entière. On en est à s'interroger sur le danger que représente une invitation à déjeuner. C'est pourquoi il faut clarifier les choses. On ne peut pas avoir mauvaise conscience en développant des relations privilégiées entre les hommes. Il y a des gens avec qui on aiment travailler, et d'autres pas. Tout ceci est humain et n'a rien de répréhensible. La lutte contre la corruption ne doit pas rendre administrative la relation commerciale.

Faut-il éliminer la corruption ? Sans doute pas. La corruption est comme le mensonge, elle ne s'éradique jamais. Il existe une corruption nécessaire qui ne dépend pas de la volonté politique. De plus, toute volonté d'épuration est malsaine et vaine: elle ne puise ses forces que dans des intentions politiques très soupçonnables. Il faut donc la prévenir par une véritable lutte contre la corruption qui soit tout  de même dénuée de faiblesse. La loi ne peut pas tout résoudre, ni dans la prévention, ni dans la répression. Politiques ! À vous d'agir ! ...

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